Dire le vaginisme, sortir de la douleur et de la honte

Le vaginisme, soit la contraction involontaire des muscles du plancher pelvien par crainte de la pénétration, a longtemps été un non sujet. Aujourd'hui, enfin, les mots se déploient. Un cap décisif pour les femmes en souffrance. D'autant plus que des solutions existent...

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3 min ⋅ 18/07/2023

Photo : Alexander Krivitskiy/UnsplashPhoto : Alexander Krivitskiy/Unsplash

Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) estime que 1% des femmes en âge de procréer sont atteintes de vaginisme, mais que celles-ci représentent 6% à 15% des consultantes en sexologie. Douleur physique, détresse psychologique, honte, crainte pour la vie de couple, peur de ne pouvoir avoir des enfants… Le vaginisme ne se balaie pas d’un revers de la main ; les femmes qui en souffrent devraient pouvoir en parler à leurs proches - en plus de leur.s partenaire.s - sortir de la solitude et trouver des solutions personnelles et professionnelles. Etat des lieux.

Quoi et pourquoi ?  

Chez les femmes qui ne souffrent pas de vaginisme, les muscles du vagin se détendent à mesure de la montée du désir et/ou à l’approche d’une pénétration (qu’elle soit hors contexte amoureux comme l’insertion d’un tampon, par exemple, ou durant l’acte sexuel avec une approche digitale ou phallique). Mais certaines femmes vont avoir tendance, bien involontairement, à contracter leurs muscles vaginaux, comme pour se protéger de toute pénétration. A l’origine, dans quelques rares cas, il peut y avoir une malformation. Mais le déclencheur est la plupart du temps d’ordre psychologique. 

Comme toujours, quand on a dit que c’était la faute “à la tête”, on a à peu près rien dit, si ce n’est qu’on a donné un ensemble de pistes à explorer. Il est important, comme toujours quand il s’agit de psychologie, de rappeler qu’il ne s’agit pas simplement de vouloir que ça change pour que ça change - on n’est pas dans une comédie américaine d’une heure vingt où les raccourcis, les rebondissements et les solutions surgissent comme par magie parce qu’on y a pensé très fort. 

Photo : Laura Ockel/UnsplashPhoto : Laura Ockel/Unsplash

Sortir du vaginisme, c’est d’abord envisager qu’il y a un historique de la personne avec son corps, une découverte de soi qui ne s’est pas déroulée dans les meilleures conditions dans le passage entre l’enfance et l’adolescence. Mille raisons peuvent expliquer cette carence : on peut avoir vécu avec des interdits familiaux forts autour du corps, d’autres traumatismes qui n’ont pas permis un développement paisible de l’intime. La jeune fille, dans une méconnaissance de son corps, peut, alors, redouter la pénétration - qui peu à peu s’installe comme un danger qui pourrait la déchirer. 

Autre cause possible : un examen gynécologique douloureux chez la jeune fille peut également avoir été vécu comme un trauma.

Encore une fois, on parle là d’une phobie, peu ou pas conscientisée. La femme, jeune ou non, peut tout à fait avoir envie de partager un moment sexuel tout en redoutant le moment de la pénétration digitale ou phallique, vécu comme un drame probable : vais-je y arriver ? Il faut que j’y arrive sinon il finira par me plaquer ? Je suis nulle. Etc. 

Peu à peu, cependant, le vaginisme aura un impact sur l’estime de soi et dans la relation amoureuse, où il est souvent vécu chez la femme comme une incapacité culpabilisante. 

Une bonne nouvelle… 

Quand on est seul.e avec un blocage psychologique, particulièrement quand celui-ci met en péril ce qui nous tient à cœur, on peut avoir le sentiment d’un problème immense, impossible à résoudre. Concernant le vaginisme, la réalité est tout autre. On en guérit bien dès lors qu’on le prend en considération. 

Photo : Juan Camilo Navia UnsplashPhoto : Juan Camilo Navia Unsplash

Concrètement, ça signifie qu’on va essayer autant que possible de poser sa culpabilité - au moins un peu - et qu’on va partager avec son partenaire. Objectif : informer, envisager ensemble ce qu’il est possible de faire pour que la personne atteinte de vaginisme ne se sente pas coupable.  

(N.B. : si le partenaire n’est pas capable d’entendre, il y a un souci.)

On ne le dira jamais assez : la pénétration n’a rien d’obligatoire. Un rapport sexuel, ça devrait être du plaisir - point. Soit : des bisous, des caresses, des massages, des mots, des regards, des jeux - et peut-être une personne qui en pénètre une autre avec ses doigts, avec un jouet, avec son sexe. Sur le chemin de la guérison du vaginisme, une option pourrait être d’envisager des partages sans pénétration. 

… et des solutions

Je recommande également de parler de son vaginisme avec un.e bon.ne pote si ça se présente, histoire de mettre des mots, de dégrossir la détresse - une fois encore : parler reste l’un des moyens les plus efficaces pour se délester de sentiments négatifs. 

Photo Richard Horvath UnsplashPhoto Richard Horvath Unsplash

Et justement puisqu’on “parle de parler”, nombreu.se.x sont les professionnel.le.s dont le métier est d’accompagner les personnes souffrant de vaginisme : sexologues, psychologues, sages-femmes, kinés spécialisé.e.s. On conseille généralement une thérapie cognitive comportementaliste (TCC) qui est une thérapie courte (une dizaine de séances, en général). La patiente y exprime ses craintes, apprend avec le ou la thérapeute le fonctionnement de son corps, s’approprie ces mécanismes. L’EMDR (intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires) est également une option de soin, particulièrement s’il y a eu un trauma. Une rééducation douce accompagnée d’un kiné spécialisé.e ou d’une sage-femme permet de ne pas rester que dans l’intellect et/ou le psychologique en posant du concret. 

Et souvenez-vous : si vous ne vous sentez pas à l’aise avec un.e soignant.e - c’est comme un jean : vous avez toujours le droit d’en changer.

(Cet article a d’abord été publié sur la plateforme VOXXX.)

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Crédits
Header : Jorm Sangsorn/Shutterstock
Photo de profil : Hélène Muffarotto // La photo d'ampoules est de Jenn/Unsplash

C'est sextra

Par Stéphanie Estournet

Journaliste (ex-”Libération”), formée en sexothérapie, je suis particulièrement sensible à l’exercice des rapports de domination. Voilà pourquoi j’écris sur les sexualités, la représentation des corps, le rapport au “care” et les nouvelles technologies.

Je suis convaincue qu’informer (sur la pornographie, la sexualité, les genres, l’usage des écrans et de l’IA, les rapports bien-traitants au travail et dans les soins, etc.) nous permet d’aborder plus sereinement le monde complexe dans lequel nous vivons.

Fun facts sur ma personne :

  • en parallèle de mes études de sémiologie et lettres modernes, j’ai écrit des épisodes de Un gars, une fille, des questions pour Qui veut gagner des millions?, de fausses lettres pornographiques pour des magazines spécialisés ;

  • j’évite de sortir sans un vêtement ou un accessoire brillant (le glitter, c’est la vie) ;

  • j’ai écrit la première - et unique à ce jour - porno-comédie audio, Plus sexe la vie ;

  • j’ai tenu la rubrique mensuelle “Tour X” dans Le Journal du hard (Canal+) ;

  • je cours régulièrement, mais pas très vite.

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